CHAPITRE XVI
La navette zigzagua entre les centaines de vaisseaux qui orbitaient autour de la Roue ou essayaient aussi de s’échapper.
Yan vira à bâbord. Longeant la station, il évita de son mieux les débris à la dérive. Un vaisseau ennemi arriva, noir comme l’enfer et rendu encore plus hideux par ses deux extensions de corail yorik. La créature colossale qui avait attaqué la station se rétractait par un orifice de la proue.
— Ça doit être le monstre qui a avalé Roa et Fasgo, dit Yan. On aurait pu se retrouver aussi dans ses entrailles…
Il fonça vers le monstre, ignorant le regard effaré de son copilote.
— Que faites-vous ? Yan désigna le vaisseau.
— Mes amis sont prisonniers à bord de ce truc.
— Vous ne pouvez pas les libérer !
— Vraiment ? C’est ce qu’on va voir !
— Vous êtes dingue !
— On me l’a déjà dit.
— Et ça, on vous l’a déjà dit : « Notre vaisseau n’est pas armé » ?
Yan s’avisa qu’il n’était pas à bord du Faucon. Seul, il aurait peut-être essayé d’aborder l’ennemi. Mais la navette était pleine de réfugiés…
Il comprit qu’il se trouvait dans la position d’Anakin sur Sernpidal : forcé de choisir entre la vie d’étrangers et celle d’un ami. Troublé, il se jura de mettre les choses au point avec son fils.
En supposant qu’il revienne vivant…
Cela étant, il ne put résister à l’envie de harceler la créature en la frôlant. Quand le nez du monstre fut presque à portée, Yan vira sec vers bâbord, espérant lui faire « respirer » une bouffée de fumées ioniques d’échappement.
La chose jaillit de son abri, aspirant presque la navette.
— Génial ! cria le Ryn. Vous avez attiré son attention…
Un peu effrayé, Yan fit remonter la navette pour éviter la bête, qui essayait de les attraper.
— Ce foutu fléau a aussi mauvais caractère qu’une limace de l’espace !
— Oui, et nous sommes le mynock qui s’est permis de la déranger ! railla le Ryn.
Yan plongea… La navette fit une boucle autour du cou de la créature furieuse et aboutit sous la quille du vaisseau ennemi.
Le Ryn ravala sa bile.
— Qui nettoiera la cabine des passagers après ce petit exploit ?
— Plus tard !
Soucieux du confort des passagers, Yan augmenta la puissance du compensateur d’inertie et ralentit un peu. La navette ressortit de l’autre côté du vaisseau.
Puis les instruments du tableau de bord s’affolèrent.
Yan en resta bouche bée.
— Que se passe-t-il ? demanda le Ryn, nerveux. Pourquoi avez-vous ralenti ?
Yan lutta avec les commandes.
— Un basal dovin nous a attrapés. Il nous attire vers lui…
Le Ryn tendit une main vers les commandes auxiliaires. Pendant que Yan se battait avec le manche à balai, il lança les moteurs à pleine puissance et expédia la navette dans une ascension qui leur fit dépasser le sommet du vaisseau de guerre pour redescendre de l’autre côté, moins vite.
— Excellente idée, approuva Yan, la navette fonçant vers l’espace libre. Je suis content d’être loin de cette chose…
Un autre cri du Ryn l’interrompit. Quatre coraux skippers avaient décollé du vaisseau et ouvraient le feu.
Yan vira à droite avant d’entreprendre une série de manœuvres d’évitement.
— Vous aviez bien besoin d’effrayer leur petit favori ! grogna le Ryn.
Des missiles frôlèrent la navette.
Devant, un essaim de coraux skippers fonçait sur le vaisseau, des chasseurs de la Nouvelle République à ses trousses. Yan ralentit et vira. La proue effilée d’un destroyer émergea de derrière la lune la plus proche d’Ord Mantell. Des rayons jaillirent des tourelles de proue du navire, visant les skips et cueillant presque la navette par la même occasion…
Les Yuuzhan Vong ripostèrent par des jets de plasma, aussi aveuglants qu’un soleil.
Yan enclencha les moteurs de poussée pour fuir le champ de bataille. Mais les quatre skips restèrent collés au train arrière de la navette.
— Pas de doute, mon passé me pourchasse !
— Vous devriez courir plus vite !
Yan pinça les lèvres.
— Nous verrons. Entrez un cap en direction de la Roue.
— Nous y retournons ?
— Vous m’avez entendu.
— Ça aiderait si je vous disais que non ?
— Arrêtez de geindre ! Puissance maximale aux moteurs de poussée !
Le Ryn obéit, grommelant dans sa barbe.
— Pourquoi votre passé en a-t-il après moi ?
— C’est à cause de votre casquette ! Et puis, personne ne vous a obligé à vous coller à moi !
— Vous avez raison. La prochaine fois, je choisirai mon roc avec plus de discernement.
Yan orienta la navette vers le cercle extérieur de la station. Au dernier moment, il la survola, plongea et se faufila entre deux rayons de la Roue. Les quatre skips le suivirent, mais trois seulement réussirent la délicate manœuvre. Le quatrième ne vira pas à temps et s’écrasa sur un rayon. Le vaisseau se désintégra.
Yan redressa la navette, fonçant vers l’espace.
— Des projectiles sur nous ! cria le Ryn.
Yan enclencha les rétrofusées, poussa le manche à balai à droite, appuya sur l’accélérateur et plongea. Le vaisseau pivota à cent quatre-vingts degrés et reprit la direction de la Roue. Les trois coraux skippers n’essayèrent pas d’imiter la manœuvre. Quand ils revinrent de la large boucle qu’ils avaient décrite, la navette approchait de nouveau de la station orbitale.
Yan tira sur le manche à balai puis le poussa, fonçant au-dessus du cercle extérieur de la Roue. Cette fois, à l’approche du noyau, il vira à tribord, plongea sous un rayon, remonta et survola le suivant. Les pilotes ennemis tentèrent de l’imiter. L’un d’eux s’écrasa.
Yan fit un plongeon inversé puis revint en arrière, décrivant un huit.
Quand son copilote et lui émergèrent de l’autre côté de la station, ils se retrouvèrent à leur point de départ, se frayant un passage entre les grappes de vaisseaux en orbite.
— Et ces skips ? demanda Yan.
Ryn étudia l’écran.
— Il en reste deux, mais ils ne nous lâchent pas !
Yan fit zigzaguer la navette pendant que Ryn empêchait les moteurs de caler. Ils reprirent la direction de la station.
Un yacht de luxe TaggeCo sortant d’un hangar de lancement et arrivant sur la navette, tira de tous ses canons pour dégager la voie.
Yan vira, évitant de justesse les rayons laser et la collision.
Quand le yacht les dépassa, il aperçut les occupants du cockpit. Son poing s’écrasa sur la console.
— Je parierais n’importe quoi que c’était le Gros Bunji !
— C’est beau, les amis…, ironisa le Ryn.
Un des deux coraux skippers, fauché par un rayon de laser du yacht, explosa.
— Ça alors ! fit Yan.
— Il en reste un, rappela le Ryn.
La navette repartit vers la Roue. Yan n’était pas sûr de pouvoir refaire le même coup au Yuuzhan Vong survivant. Il s’orienta vers la zone inachevée de la station, où des échafaudages, des plates-formes antigravs et des vaisseaux-drones désactivés créaient une sorte de parcours d’obstacles.
Agrippant les commandes à deux mains, Yan lança la navette à la verticale pour éviter une plate-forme, puis vira à bâbord sous le plus long portique. A mi-chemin, une boule de plasma le pulvérisa, forçant Yan à s’éloigner du noyau. Il faillit perdre une aile contre une antenne, mais le véritable problème était le pilote ennemi, aussi précis avec ses armes qu’habile avec son vaisseau.
Les indicateurs de la console clignotaient et ululaient. Yan se lança dans des cercles concentriques autour du noyau. Puis il accéléra vers le cercle extérieur de la Roue.
Le Ryn regarda par la baie, affolé.
— Vous n’êtes pas sérieux !
Yan étudia le cercle extérieur, formé par un ensemble de poutres.
— On passera, assura-t-il. J’ai vérifié.
— Vous avez vérifié ? s’étrangla le Ryn. Quand ?
— Longtemps avant tout ça, fit Yan, nonchalant. Faites-moi confiance. Tenez bon !
Les instruments de la navette s’affolèrent, mais Yan les ignora. Le corail skipper collé à leurs basques, Solo accéléra. A proximité du cercle extérieur, il fit mine de grimper en flèche. L’ennemi se laissa abuser et monta. Quand il comprit son erreur, le Yuuzhan Vong voulut exécuter un tonneau arrière, mais il était trop proche du cercle. Accrochant plusieurs poutrelles, le vaisseau déséquilibré partit en vrille.
Yan traversa le cercle, zigzaguant entre les poutres, les etançons et les supports. Comme prévu, l’autre côté n’était pas cloisonné.
L’espace les attendait…
— Je savais bien qu’il n’avait pas fini de blinder le cercle, dit Yan.
Quelque chose s’écrasa sur la baie avec un bruit étourdissant.
D’instinct, le Corellien et le Ryn se protégèrent le visage. La navette avait dû être gravement endommagée… Mais quand Yan rouvrit les yeux, il vit un droïd de protocole qui s’accrochait de son mieux à la baie.
— Un auto-stoppeur…, railla le Ryn.
Yan pensa à plusieurs moyens de déloger le droïd… Il n’en mit aucun en pratique.
— Il ne nous gêne pas, décida-t-il.
S’éloignant de la Roue, il amorça une courbe descendante. Il n’y avait plus de coraux skippers en vue, et le vaisseau yuuzhan vong battait en retraite.
— Cap sur Ord Mantell, ordonna Yan.
Du coin de l’œil, il vit le Ryn opiner du chef. Yan sourit.
— C’est… comme au bon vieux temps…
Mais le cœur n’y était plus. Roa et Fasgo étaient morts ou prisonniers…
Sur la passerelle de l'Erinnic, le vice-amiral Poinard et le général Sutel regardèrent une navette en forme d’obus traverser les débris entourant la Roue du Jubilé et foncer vers Ord Mantell. Au-delà des lunes de la planète, ce qui restait de la flotte yuuzhan vong se repliait.
— Messieurs, annonça un membre d’équipage de la fosse de proue, l’ingénierie rapporte que les boucliers ont été gravement endommagés. Elle ne conseille pas de poursuivre l’ennemi.
— Affirmatif, dit Poinard. Nous restons.
— C’est peut-être pour le mieux, commenta Sutel. Voir leur flotte revenir dans cet état fera peut-être réfléchir les Yuuzhan Vong.
— Rapport sur la bataille, continua l’homme d’équipage. Nous avons perdu le croiseur, une frégate et trois canonniers. Les pertes de l’ennemi sont supérieures aux nôtres. La Roue du Jubilé a tenu le coup. Ord Mantell annonce d’importants dégâts dans certains centres urbains, mais les cités du littoral ont été protégées par leurs boucliers.
Sutel regarda l’amiral.
— Voilà qui doit vous être agréable à entendre.
Poinard se détourna de la baie.
— Qu’on prévienne le quartier général que ses informations étaient fondées. J’ignore comment, mais nous avons chassé les Yuuzhan Vong !